L’Allemagne, un pays en déclin, cité comme exemple à suivre ?
L’économie de ce pays est en échec. Sa croissance depuis l’an 2000 est plus faible que la moyenne européenne. Les salaires y ont progressé moins vite, et la pauvreté, en hausse, touche un enfant sur cinq. Bienvenue en... Allemagne.
dimanche 28 septembre 2014, par FranceTransactions.com (avec AFP)
Ainsi démarre le portrait de la première économie européenne, dressé par l’économiste allemand Marcel Fratzscher, dans un ouvrage à paraître lundi.
Au moment où le modèle allemand est encensé dans le monde entier, le président de l’Institut de recherches DIW, à Berlin, comme d’autres économistes de premier plan, veut en finir avec les clichés aussi flatteurs que "dangereux".
Son pays est "en déclin" et "vit sur ses acquis", explique-t-il dans "Allemagne, l’illusion" ("Die Deutschland Illusion").
Le revenu moyen d’un ménage allemand a baissé de 3% depuis l’an 2000. La baisse a même atteint 5% pour les 10% les plus pauvres, souligne-t-il.
Certes, l’Allemagne, considérée comme "l’Homme malade de l’Europe", il y a encore une dizaine d’années s’est redressée depuis la crise financière de 2009.
Ses près de 200 milliards d’euros d’excédents commerciaux en 2013 témoignent d’une compétitivité exceptionnelle. Le nombre de chômeurs a chuté de plus de 5 millions en 2005 à moins de 3 millions aujourd’hui. L’amélioration des comptes publics a permis à la chancelière Angela Merkel d’adopter un projet de budget 2015 à l’équilibre au niveau fédéral pour la première fois depuis 1969 !
Enorme manque d’investissements
Mais tout cela ne doit pas occulter "les faiblesses fondamentales de l’économie allemande", notamment son "énorme manque d’investissements".
Ces derniers sont passés de 23% du Produit intérieur brut (PIB) au début des années 1990, à 17% aujourd’hui, nettement moins que la moyenne des pays industrialisés (20%). Pour rétablir ses comptes, l’Allemagne a sabré dans ses investissements publics au moment où ceux des entreprises étaient eux-mêmes en berne.
Cela "conduit à une croissance et des salaires faibles", explique M. Fratzscher, qui avertit : "le déclin de l’économie allemande va s’accélérer si on ne change pas fondamentalement la politique actuelle".
La chancellière allemande Angela Merkel lors d’un discours au congrès annuel de la Fédération des industriels allemands (BDI) à Berlin, le 23 septembre 2014
Après de mauvais indicateurs ces derniers mois, Olaf Gersemann, chef du service économique du groupe de médias Welt, voit aussi l’avenir en noir, dans un livre paru lundi dernier "La bulle Allemagne", ("Die Deutschland Blase").
Nous assistons au "chant du cygne d’une grande nation économique", prévient-il, convaincu que le pays profite d’une conjonction de "circonstances très favorables" qui vont "bientôt disparaître", voire s’inverser.
L’orgueil précède la chute
Pour lui, "l’Allemagne est en voie de redevenir +l’Homme malade de l’Europe+". "L’Allemagne se proclame modèle du monde (...) mais l’orgueil précède la chute".
Comme M. Fratzscher, M. Gersemann relativise les succès de son pays, qui, sur 20 ans, se classe 156e sur 166 pays pour la croissance, juste derrière l’archipel des Tonga dans le Pacifique, et aux côtés de pays comme l’Italie, le Portugal, l’Ukraine, Haïti, ou la Grèce.
Et si le nombre de chômeurs a baissé de façon spectaculaire, le volume d’heures travaillées n’a pas progressé en Allemagne depuis 20 ans.
L’auteur démonte le mythe des réformes de l’Etat providence, menées au début des années 2000 par le chancelier Schröder, et qui ne sont "pas la raison du miracle de l’emploi en Allemagne".