Croissance : il faut en finir avec l’austérité !

Depuis le début de la crise de 2008, les politiques d’austérité n’en finissent plus de montrer leurs limites. Une situation qui frappe l’ensemble des pays européens mais que les dirigeants ne semblent pas comprendre pour le moment...

mardi 23 avril 2013, par Jérémie G.

Croissance : l’austérité plombe l’Europe

Depuis plusieurs mois, de nombreux économistes essayent de faire passer une idée qui semble pourtant évidente : l’austérité n’est pas la solution du retour à la croissance.

Une idée simple qui se vérifie depuis l’éclatement de la crise de 2008.

Avec la crise de la dette, le phénomène s’est même accéléré. La rigueur budgétaire est devenue la solution miracle à tous les problèmes économiques.

Sous l’impulsion de la Troïka, les plans d’aide à la Grèce, au Portugal, à l’Irlande ou à l’Espagne se sont toujours accompagnés d’une austérité exacerbée et de coupes budgétaires drastiques.

Mais aujourd’hui, force est de constater l’échec cuisant de ses politiques qui instaurent un cercle vicieux de récession. Une surprise ? Pas vraiment quand on connait les effets qu’ont eu les plans d’ajustement structurel du FMI ces vingt dernières années.

La règle des 90 % : une dispute théorique

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Alors pourquoi cet entêtement ?

Il vient en fait de la théorie économique sur l’endettement, la croissance et la dépense budgétaire.

Des théories qui montraient l’inefficacité des dépenses d’Etat pour créer de la croissance, et l’importance du désendettement à partir d’un certain seuil. Ces thèses sont pourtant mises à mal depuis plusieurs mois.

Pas plus tard que la semaine dernière, trois économistes de l’Université du Massachusetts Thomas Herndon, Michael Ash, et Robert Pollin ont trouvé des erreurs de calcul dans les travaux de deux historiens économistes, Carmen Reinhart et Ken Rogoff. Des erreurs qui seraient sans conséquences si les travaux des deux historiens n’étaient pas aujourd’hui la référence absolue en matière de lutte contre le désendettement.

Dans leur livre publié en 2010 Cette fois c’est différent (This time is different), les deux chercheurs indiquent que lorsque la dette publique d’un état dépasse les 90 % de son PIB, la croissance du pays s’effondrera automatiquement.

En cause une charge de la dette trop importante qui utilise la plupart des ressources du pays. C’est donc en partant de ce constat que l’ensemble des politiques prônées par le FMI et la BCE sont mises en place aujourd’hui.

Le problème c’est que les calculs des historiens sont faux et que de nombreux pays ont continué à avoir de la croissance même passé le cap des 90 % d’endettement. Résultat les politiques d’austérité n’ont pas aidé les pays à retrouver de la croissance mais ont eu l’effet inverse.

Quand la Commission européenne s’entête...

Une situation qui n’est malheureusement pas isolée. En octobre dernier, c’est une autre dispute d’universitaires autour du coefficient budgétaire qui a révélé l’ineptie des politiques d’austérité.

Le coefficient budgétaire détermine l’impact de la dépense publique dans la croissance. D’après des travaux récents réalisés par le FMI, le coefficient budgétaire ne serait que de 0,5 %, c’est à dire qu’un euro dépensé par l’Etat ne créerait que 0,5 euro de richesse dans l’économie réelle.

La Commission européenne s’est donc empressée d’intégrer ce coefficient et a systématiquement conditionné son aide à une réduction des dépenses étatiques.

Malheureusement la réalité est venue une nouvelle fois frapper à la porte et l’économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard. Il fut forcé de reconnaître en octobre dernier, que le FMI avait sous-évalué l’effet du coefficient budgétaire.

"De récents développements suggèrent que les multiplicateurs budgétaires à court terme peuvent être plus grands que prévu au moment de la planification budgétaire. Des recherches, dont il a été fait état dans les derniers rapports du FMI, montraient que les multiplicateurs fiscaux sont plus proches de 1 dans un monde où de nombreux pays s’ajustent en même temps. Des analyses suggèrent ici que les multiplicateurs sont désormais plus grands que 1", écrivit-il dans le rapport semestriel du FMI.

Il détailla plus tard que l’effet multiplicateur n’était pas de 0,5, mais plutôt compris entre 0,9 et 1,7.

En clair, lorsque l’Etat réduit ses dépenses d’un euro, l’activité dans le pays baisse de 90 centimes à 1,7 euro. Des chiffres qui confortent ce que l’on constate depuis des mois : l’inefficacité des politiques d’Austérité.

Pourtant, la Commission européenne n’a pour le moment pas changé sa ligne de conduite d’un iota...

Louis Gallois donne sa solution

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Espérons, comme le laissait entendre l’ancien patron d’EADS ce week-end, que l’Europe prend "conscience que l’addition des politiques d’austérité conduit dans le mur".

Invité du Grand rendez-vous "Europe1/Aujourd’hui en France/I-Télé" du dimanche 21 avril, l’actuel commissaire général à l’investissement propose de relancer la croissance en s’appuyant sur trois piliers :

  • le desserrement des calendriers de retours aux équilibres budgétaires,
  • une politique moins stricte de la BCE,
  • des efforts de la part des pays en excédent pour libérer de la croissance.

Pour le moment la BCE campe sur ses positions et reste "la seule banque centrale qui dispose encore d’une marge de manœuvre", expliquait récemment la patronne du FMI, Christine Lagarde.

Les exemples de la Fed et de la Banque du Japon qui réussissent actuellement leur pari d’une politique monétaire souple, pourraient donc rapidement influencer Mario Draghi.

Désormais, même les pays du G20 mettent l’accent sur la stimulation de la croissance. Lors de la réunion des ministres des Finances des 20 plus grandes économies mondiales, le communiqué final a indiqué que des "objectifs fixes de réduction des dettes nationales" n’étaient pas nécessaires, l’objectif est maintenant de relancer la demande intérieure.

Comme quoi même les plus entêtés peuvent parfois changer d’avis...

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