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Flickr Adrian Farcas
Le 15 février 2012 à 12 heures, un taxi de la société Transports Prestige quitte la station de Val Thorens (Savoie), avec à son bord le chauffeur et deux passagères, Iris, 22 ans, à l’avant, et Eglantine, 32 ans, à l’arrière. Peu après l’entrée sur l’autoroute, Iris demande à Eglantine si elle a besoin d’air. Eglantine répond par la négative, mais ouvre brusquement la porte coulissante latérale droite, et bascule sur la chaussée.
Alors qu’elle a sombré dans le coma, elle est transportée dans un hôpital où l’on diagnostique un traumatisme crânien, notamment.
Les parents d’Eglantine demandent à la société Mutuelle des transports Assurances, qui assure Transports Prestige, de prendre en charge le sinistre et ses conséquences. Elle refuse, en invoquant une « faute inexcusable » de la victime.
La loi tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation dit en effet que « les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute, à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident » (article 3).
En l’occurrence, le fait qu’elle ait ouvert la portière a bien été la cause exclusive de l’accident. Quant à la faute inexcusable, en matière d’accidents de la circulation, elle a été définie par la Cour de cassation comme « la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant, sans raison valable, son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ».
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Absence de discernement
Les parents d’Eglantine assignent l’assureur. Le tribunal de grande instance d’Albertville juge que leur fille a commis une faute inexcusable, sans que son absence de discernement soit établie. La cour d’appel de Chambéry infirme ce jugement, le 10 décembre 2015, après avoir analysé les circonstances de l’accident.
La mère d’Eglantine explique en effet que cette dernière a été victime de crises de bouffée délirante, traitées par des cures de sommeil de dix jours, en 2001 et 2011. Iris, dont les déclarations sont corroborées par celles de sa mère et de son frère aîné, indique que pendant les deux jours qu’elles ont passés à l’hôtel, à Val Thorens, Eglantine a manifesté de manière de plus en plus caractérisée les signes d’une nouvelle crise : nombreux réveils la nuit avec propos confus, état de prostration.
Ces signes ont conduit Iris a faire examiner Eglantine par un médecin, qui lui a donné un médicament (Tranxène) pour l’apaiser. Après leur départ en taxi, il lui a semblé qu’Eglantine devenait de plus en plus « instable » : elle se plaignait du programme de la radio, donnait « des claques » à sa soeur, et faisait preuve de familiarité avec le chauffeur qu’elle appelait Sam. Puis il est apparu à Iris qu’Eglantine « ne répondait plus, les yeux révulsés, la tête enfoncée dans sa capuche « . Juste avant qu’elle n’ouvre la portière.
La cour d’appel de Chambéry juge qu’Eglantine se trouvait » dans un état de confusion mentale, ou, à tout le moins, d’absence momentanée de discernement, ce qui prive sa faute de caractère volontaire, permettant de la qualifier d’inexcusable ». Elle condamne l’assureur à indemniser le sinistre.
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Faute inexcusable
Celui-ci se pourvoit en cassation. Il soutient que bien que la victime ait été privée de discernement, elle a commis une faute inexcusable, c’est-à-dire une faute volontaire d’une exceptionnelle gravité l’exposant sans raison valable à un danger dont elle aurait dû avoir conscience.
Il affirme que son comportement aurait dû être apprécié « in abstracto, par comparaison avec le comportement d’une personne normalement avisée », et non « in concreto », comme l’a fait la cour d’appel : « Peu importe que la victime de l’accident ait eu ou non conscience du danger, ce qui compte c’est de savoir si elle aurait dû en avoir conscience », explicitent les Editions Dalloz,
La Cour de cassation a d’ailleurs jugé, en 1989, qu’un mineur affecté d’un handicap mental ayant traversé à pieds une rocade avait commis une faute inexcusable : il ne pouvait ignorer, « malgré son handicap », que la circulation des piétons y était interdite.
La Cour n’est pas de l’avis de l’assureur, dont elle rejette le pourvoi : « C’est par une appréciation souveraine que la cour d’appel (…) a estimé que Mme Eglantine X était dans un état de confusion mentale ou, à tout le moins, d’absence momentanée de discernement au moment de l’accident, ce dont elle a exactement déduit que celle-ci n’avait pas commis de faute inexcusable », juge-t-elle, le 2 mars.
La Cour de cassation affirme ainsi qu’une personne privée de discernement ne peut pas commettre de faute inexcusable. Les Editions Dalloz jugent que « sa décision mérite d’être approuvée car la faute inexcusable est une faute volontaire qui suppose nécessairement le discernement de celui qui la commet » : « Une personne privée de libre arbitre, si elle peut commettre une faute involontaire d’imprudence ou de négligence, ne peut pas commettre une faute dont la volonté est un des éléments caractéristiques. » On ne saurait mieux dire.
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