Dysmorphie financière : les jeunes actifs, épargnants à outrance, victimes de l’influence néfaste des réseaux sociaux
Si épargner raisonnablement et régulièrement est fortement recommandé, se priver pour se constituer un potentiel capital important dès 40 ans, tient davantage de la pathologie que d’une attitude proactive.
mardi 17 juin 2025, par Denis Lapalus
Ces fameux revenus passifs... Convoitise des jeunes actifs
Jeune actif recherche revenus passifs. Des influenceurs amassant de substantiels revenus jouent sur ce créneau : inciter les jeunes actifs à épargner à outrance, sur des ETF ou tout autre supports tendance, afin de se constituer un capital important. Le but ultime : être "indépendant financièrement", afin que le salaire ne constitue plus la principale source de revenus à un horizon déterminé d’avance, par exemple, 40 ans. Le mouvement Fire (Financial Independence, Retire Early) a connu ses heures de succès dans les 1980 aux USA, avec l’euphorie de la bourse américaine. Ce mouvement a resurgi en France lors de la crise Covid, avec l’envolée des indices boursiers, lors de la période de reprise et les hausses irrationnelles des indices boursiers. Depuis, la réalité a refait surface. La quête d’une retraite avant l’heure, même si légalement, la prise de retraite sera évidemment impossible, restera un rêve pour ces investisseurs acharnés.
Les investissements boursiers sur des ETF indiciels ne sont donc pas des revenus passifs (aucun flux de trésorerie régulier perçu !). Les investissements immobiliers ne sont pas non plus des revenus passifs (cas de vacances locatives par exemple). Seuls les placements à revenus réguliers, non liés à des risques, seraient réellement des revenus passifs. Ainsi, les intérêts des livrets épargne, comptes à terme, etc. peuvent, en revanche, être considérés comme étant des revenus passifs.
D’une épargne régulière et raisonnée, à une épargne à outrance
La dysmorphie financière, également connue sous le nom de "money dysmorphia", est un phénomène psychologique qui se caractérise par une perception déformée de sa propre situation financière. Les personnes atteintes de dysmorphie financière ont tendance à se percevoir comme étant beaucoup plus pauvres qu’elles ne le sont en réalité, ou à être constamment inquiètes de leur avenir financier, même si elles ont des revenus confortables et une épargne solide.
De nouveaux facteurs aggravants
Ce phénomène, se considérer comme pauvre, tout en ayant une couverture financière confortable, existe depuis tout temps, mais a été considérablement amplifié depuis la crise COVID. Cette peur de manquer à été exacerbée par les différents manques de produits durant la crise sanitaire. En France, particulièrement, avec un taux d’épargne figurant parmi les plus élevés d’Europe (près de 18% des revenus disponibles), les épargnants sont tétanisés par les faiblesses du système de retraite par répartition. Largement relayés par les médias, noircissant le tableau à outrance, audience oblige, plus de la moitié des Français pensent que ce système touche à sa fin.
Se comparer aux autres, un symptôme révélateur
La comparaison constante avec la situation financière des autres (forums, réseaux sociaux, vidéos, etc.) est un symptôme de cette pathologie. La personne se compare sans cesse à ceux qui semblent plus riches, ce qui renforce son sentiment d’insuffisance. Si la personne a du mal à dépenser de l’argent, même pour des besoins essentiels ou des plaisirs simples, par peur de manquer, la pathologie est déjà présente. La publication de ses performances financières, le montant des dividendes perçus, des symptômes marquant devant être un signe d’alerte pour l’épargnant. Ce signal d’alerte vaut autant pour l’épargnant publiant ses données, que pour ceux scrutant les données des autres. Quel est le réel intérêt de ces publications ? Aucun. Voici les principaux facteurs de la dysmorphie financière :
- Accumulation excessive d’argent : La personne peut devenir obsédée par l’accumulation d’argent, même au détriment de sa qualité de vie.
- Expériences passées : Des difficultés financières vécues dans l’enfance ou par des proches peuvent laisser des traces durables.
- Pression sociale : La société actuelle met souvent l’accent sur la réussite financière et la consommation, ce qui peut créer un sentiment d’insécurité.
- Comparaison sur les réseaux sociaux : Les réseaux sociaux peuvent donner une image faussée de la réalité, en montrant principalement des vies luxueuses et idéalisées.
- Anxiété généralisée : La dysmorphie financière peut être un symptôme d’une anxiété plus large.
Les conséquences de la dysmorpgie financière peuvent conduire, paradoxalement, à des difficultés financières. L’exemple le plus souvent cité étant ces investissements financiers à haut risques sur les marchés boursiers. En recherchant un rendement élevé, sans maîtrise des risques financiers liés, l’investisseur sera dans une situation d’anxiété extrême dès lors que les marchés boursiers baisseront, temporairement.
- Stress et anxiété : L’inquiétude constante liée à l’argent peut entraîner un stress chronique et des problèmes de santé mentale.
- Relations tendues : Les disputes liées à l’argent peuvent affecter les relations familiales et amicales.
- Difficultés financières réelles : L’obsession de l’épargne peut empêcher de faire des investissements judicieux ou de prendre soin de sa santé.
Que faire en cas de souci ?
Vous vivez mal vos efforts d’épargne ? Que faire ?
- Prendre conscience du problème : La première étape est de reconnaître que l’on a une perception déformée de sa situation financière.
- Tenir un budget réaliste : Établir un budget réaliste permet de visualiser ses revenus et ses dépenses, et de se rassurer sur sa situation.
- Se fixer des objectifs financiers rationnels : Définir des objectifs clairs et réalisables permet de se sentir plus en contrôle de ses finances.
- Parler à un professionnel : Un thérapeute ou un conseiller financier peut aider à comprendre les causes de la dysmorphie financière et à développer des stratégies pour la surmonter.
- Limiter les réseaux sociaux : Réduire le temps passé sur les réseaux sociaux peut aider à diminuer la pression sociale et la comparaison constante.