Influenceurs financiers sur YouTube, Threads, TikTok... Pourquoi leurs conseils sont-ils de si mauvaise qualité ?
Les réseaux sociaux constituent un terreau fertile pour propager les idées reçues. Le secteur des conseils en placements, épargne et investissements n’échappe à ce fléau. Certains se sont professionnalisés dans ce domaine sur les réseaux sociaux, sans toutefois avoir la moindre compétence financière reconnue.
lundi 25 août 2025, par Denis Lapalus
Investir sur le long terme, lutter contre l’inflation... Les messages adressés ont pourtant du sens, mais sous couvert le plus souvent d’éducation financière, les conseils prodigués par ces influenceurs financiers sont le plus souvent inadaptés, car trop risqués. Des déconvenues sont à prévoir. Investir sur les marchés boursiers implique des risques considérables, largement sous-estimés par ces influenceurs.
Les influenceurs financiers occupent une place de plus en plus importante sur les réseaux sociaux, où ils publient régulièrement des vidéos visant à attirer l’attention d’une audience toujours plus large. Leur stratégie consiste à créer des habitudes et des communautés autour de leurs contenus, générant ainsi un engagement constant de la part de leurs abonnés. Cette dynamique leur permet de monétiser leur activité, car leurs revenus dépendent directement de l’audience qu’ils parviennent à capter. En effet, la plupart des influenceurs financiers bénéficient de rétrocessions de frais de la part d’intermédiaires financiers ou perçoivent des commissions lorsqu’ils participent à des programmes d’affiliation. Cette réalité pose un problème éthique : leurs recommandations ne sont souvent pas motivées par un véritable souci d’éduquer leur audience financièrement, mais par l’envie de maximiser leurs propres profits.
Des miroirs aux alouettes
Il est important de souligner que les contenus diffusés par ces influenceurs manquent de formation financière solide. Au lieu d’offrir une éducation complète et nuancée, leurs vidéos se révèlent souvent être des conseils financiers simplistes, parfois contestables, destinés à des débutants en gestion financière. Ce manque de rigueur peut mener à de graves erreurs de jugement chez les néophytes, qui sont souvent attirés par des promesses de gains rapides et importants.
Des ritournelles intéressées
La ritournelle des influenceurs financiers se compose d’idées reçues et de fausses assertions. Le plus souvent avec des démonstrations chiffrées erronées (cf. ces mathématiques foireuses dans les projections des rendements sur le long terme). La plus répandue étant celle concernant le rendement annualisé de 7% ou 8% sur l’indice Nasdaq, ou encore le MSCI World, via des ETF, en prenant comme référence un historique de données variant de 20 à 50 ans (les ETF n’existaient même pas...). C’est juste un non sens financier. Les performances passées ne préjugent en rien de celles à venir. Cette phrase réglementaire ne semble avoir aucune portée sur ces jeunes investisseurs, pourtant friands d’éducation financière.
Pourquoi promouvoir donc ces stratégies ? Les influenceurs financiers dégagent des revenus, via leurs partenaires annonceurs, ou via des liens d’affiliation, ou encore la vente de services, telles que des formations payantes, des services de suivi de portefeuille d’investissements, etc. Plus l’audience est large et plus cela rapporte. Ainsi, reprendre la tendance actuelle, la chasse aux frais, les ETF... C’est s’assurer d’une audience plus large et des revenus plus conséquents.
Influenceur financier : un métier reconnu
Donner son avis ou des conseils financiers sur les réseaux sociaux classe son émetteur comme étant un influenceur financier. Si ce dernier perçoit régulièrement des revenus de ses posts, c’est un professionnel. Ils seraient ainsi près de 8000 en France à jouer ce rôle de "pseudo" conseillers financiers. N’ayant pour la plupart aucune formation financière, ces conseils prodigués sont le plus souvent erronés, reposant sur des idées reçues largement relayées sur les réseaux sociaux. Entre rabatteurs pour courtiers et CGP et faux conseillers financiers, ces influenceurs financiers connaissent de fortes audiences, preuve que l’éducation financière en France reste un vaste chantier. Les influencés suivent conseils et avis, en investissant selon les recommandations avalées sans discernement.
Les activités de conseils en gestion financière sont portant fortement réglementées en France. Et pourtant, de nombreux influenceurs financiers prodiguent conseils en investissements financiers sans le moindre respect de la réglementation. La différence ? Aucun conseil n’est formulé à titre particulier, mais il s’agit de conseils adressé à la communauté toute entière. De ce fait, il est difficile pour les autorités de contrôle de demander à ces influenceurs de se déclarer en tant que conseiller financier. Alors les mentions indiquant que tous les conseils prodigués n’en sont pas réellement (sic), qu’ils ne constituent en rien des conseils d’achats ou de ventes, fleurissent sur tous les supports.
Ces influenceurs financiers, auto proclamés experts en gestion financière
Il s’intéresse à la gestion financière, il gère ses finances personnelles, il publie les rendements de ses investissements et s’improvise influenceur financier sur Thread, Tik-Tok, Youtube, etc. Il n’a aucune expérience professionnelle en gestion financière, ni même de diplôme en finances, mais prodigue conseils et points de vue sur les marchés financiers à qui veut bien les entendre. Il publie les dividendes perçus sur son PEA, il affiche, quand tout va, ses plus-values latentes... Et cela cartonne ! Certes, il faut avoir du charisme, produire des vidéos YouTube bien léchées et surtout publier régulièrement, même sans grand chose à raconter de plus que d’habitude... Le message le plus fréquent est évidemment d’investir régulièrement sur des ETF indiciels (type MSCI World) via le PEA. Rien de bien méchant. Mais évidemment, ce n’est pas un conseil financier que tout le monde doit suivre... Loin de là.
Créer une habitude, en publiant régulièrement des messages. Par exemple, un point par semaine. Car il s’agit avant tout de cela, créer des habitudes, comme un divertissement. Rien de plus rassurant pour les adeptes des réseaux sociaux de retrouver un rendez-vous régulier auprès de leur mentor. Prôner l’indépendance financière en en favorisant la dépendance des influençables, c’est tout le paradoxe de cette situation. Côté formation financière ? Il faudra repasser par une autre case, car le mentor ne possédant aucune réelle expertise financière, autre que sa propre expérience, cela va tourner rapidement court. Des conseils bateaux : investir sur des ETF, régulièrement... Bref, comme les dizaines de milliers de messages sur les réseaux sociaux prodigués depuis la fin de la crise COVID. Faire comme tout le monde, ce comportement moutonnier qui, justement, est à éviter.
Professionnaliser le secteur : Finfluencer Awards !
L’on croit toucher le fond ! Afin de tenter de conserver une crédibilité, le secteur des influenceurs financiers s’organise. Il s’agit de mettre en avant les influenceurs les plus suivis et les plus reconnus. Les Finfluencer Awards. Ainsi, un nouveau trophée vient décerner les influenceurs financiers préférés des internautes. Autant dire que ce ne seront pas les meilleurs qui seront plébiscités, mais bien ceux qui véhiculent le plus les messages que veulent entendre les néophytes. L’objectif des Finfluencer Awards est de célébrer la diversité des talents et des approches pédagogiques dans le domaine de la finance. Les catégories variées garantissent que chaque créateur de contenu trouve sa place et que le public puisse découvrir une multitude de perspectives et d’expertises. Si l’idée sur le papier semble louable, dans les faits, les finfluencers participent pourtant si peu à la formation financière des influencés. C’est sans doute même le contraire : le plus souvent, la même voie est prônée, avec les mêmes écueils. Confusion entre les placements et les investissements, une gestion des risques financiers quasiment passée sous silence, une incitation à investir sur des ETF sur des indices actions, le marché obligataire complétement occulté, faute sans doute de compétences financières.