Le restaurant kebab ou comment s’en débarrasser
mardi 4 juillet 2017, par sosconso
Le règlement de copropriété de la résidence Le Phenicia, à Oberhausbergen (Bas-Rhin), définit le lot du rez-de-chaussée comme un local commercial.
Son propriétaire, la SCI Erik, le loue depuis des années à des gérants de restaurants (pizzeria, puis cuisine marocaine), et les voisins se plaignent des nuisances olfactives qu’il génère.
En avril 2011, lorsque le nouvel exploitant ouvre un restaurant de kebab (viande grillée à la turque), les plaintes explosent.
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La mairie d’Oberhausbergen envoie le bureau Veritas faire un contrôle. Celui-ci constate que l’air vicié est rejeté à moins de huit mètres des fenêtres des habitants, ce qui n’est pas conforme aux normes en vigueur. La mairie met le gérant en demeure de faire des travaux.
Alertée par celui-ci, la SCI Erik demande aux copropriétaires l’autorisation d’effectuer ces travaux, qui consistent en la pose d’une gaine d’aération sur la façade de l’immeuble. Une assemblée générale extraordinaire se tient le 27 octobre 2011, et rejette la demande (par 5023 voix sur 10 000).
Le 11 mai 2012, la SCI Erik assigne le syndicat des copropriétaires devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, afin d’obtenir l’autorisation judiciaire de faire les travaux de mise en conformité. Le 1er mars 2013, le syndicat saisit le même tribunal, pour obtenir la résiliation du bail commercial conclu entre la SCI Erik et la Sarl Mille Grillades, devenue Sarl Chez Céline. Les deux procédures sont jointes.
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Abus de majorité
Le tribunal, qui statue le 27 mai 2015, constate que le lot est défini dans le règlement de copropriété comme un « local commercial sans restriction d’aucune sorte quant au type de commerce utilisé ». Il estime que les copropriétaires ne peuvent s’opposer à des travaux de mise en conformité imposés par la réglementation et qui remédieraient aux nuisances dont ils se plaignent. Il juge que le refus des copropriétaires est « abusif ». Il annule la résolution de l’assemblée générale, et déboute le syndicat de sa demande de résolution du bail commercial.
Celui-ci fait appel. Il soutient que l’article 30 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ne permet pas à la juridiction de se substituer à l’assemblée générale, dans la mesure où les travaux envisagés ne peuvent être assimilés à des travaux d’« amélioration » effectués « dans l’intérêt » de la copropriété. Il ajoute que la mise en place d’une gaine d’extraction courant le long de la façade modifierait de façon très apparente et disgracieuse l’aspect de l’immeuble.
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Intérêt collectif
La SCI Erik demande à la cour de dire que le refus de l’assemblée générale est entaché d’un abus de majorité, c’est-à-dire que son vote est contraire aux intérêts collectifs. Son avocat assure que « les copropriétaires n’ont jamais pu se résoudre à l’idée que le local pouvait servir à une activité de restauration ». Il précise que ses anciens gérants-locataires « ont quasiment tous eu à subir des plaintes ou menaces des voisins, alors qu’une telle activité est parfaitement autorisée par le règlement de copropriété et ne cause pas en l’espèce des troubles anormaux de voisinage ».
Il affirme que la pose d’un conduit extérieur de 25 cm de diamètre dans l’angle de l’immeuble et de la même teinte que la façade n’aura pas d’impact sur l’esthétique des lieux.
La cour d’appel de Colmar, qui statue le 2 juin, indique que, pour établir le caractère abusif de la décision de l’assemblée générale, il ne suffit pas à la SCI Erik de prouver que l’activité de restauration est autorisée par le règlement de copropriété et conforme à la destination des lieux. Elle doit encore démontrer que la décision est contraire aux intérêts collectifs de la copropriété, ou qu’elle a été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels de copropriétaires majoritaires, au détriment de copropriétaires minoritaires.
Or, juge-t-elle, elle a été « animée du seul souci légitime d’éviter des nuisances atteignant l’ensemble de la copropriété ». En effet « il ne saurait être imposé à la copropriété de subir les désagréments résultant de l’affectation du local de la SCI Erik à la restauration alors qu’il pourrait être destiné à un commerce d’une autre nature , aux inconvénients moindres pour le voisinage ». Elle rejette la demande d’autorisation judiciaire de travaux.
Si le gérant se pourvoit en cassation, il est vraisemblable que cet arrêt sera cassé, indique au Monde Me Jean-Robert Bouyeure, spécialiste de la copropriété. Il précise que pour changer le règlement de copropriété, qui donne au local une vocation commerciale, il faut l’unanimité… et donc la voix de la SCI Erik.
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