Quand la locataire reçoit un congé pour vente
vendredi 3 mars 2017, par sosconso
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Pierre Bouvier – Le Monde
Le 15 mai 2007, Corinne X devient locataire d’un appartement ni ?ois appartenant ? la SCI Lepante , apr ?s avoir sign ? un bail avec l’agence ?l’agence Parnasse Immobilier , qui g ?re l’ensemble de son immeuble.
Six ans plus tard, son bail arrivant ? ?ch ?ance, l’agence demande ? la SCI ce qu’elle veut faire.
Le ?19 octobre 2012, la SCI Lepante lui r ?pond qu’elle veut vendre l’appartement, au prix de 280 000 euros. Elle lui donne instruction de faire d ?livrer par huissier un « cong ? pour vente » ? la locataire.?En effet, lorsque le cong ? est d ?livr ? pour vente, le locataire b ?n ?ficie d’un droit de pr ?emption, en vertu de la ?loi du 6 juillet 1989 .
Le 29 octobre 2012, Parnasse Immobilier fait d ?livrer ce cong ?. Le ?23 mars 2013, Corinne X assigne la soci ?t ? Lepante devant le tribunal d’instance de Nice, afin que celui-ci juge que le cong ? est nul. La locataire soutient, notamment, que l’agence Parnasse Immobilier ne disposait pas du mandat ?crit sp ?cial n ?cessaire pour d ?livrer un cong ? pour vente. Elle affirme que son bailleur n’a pas l’intention de vendre, mais seulement de « se d ?barrasser d’une locataire d ?rangeante ». ? Elle est d ?bout ?e par le tribunal puis par la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
La cour d’appel juge en effet que le mandat d’administration et de gestion de Parnasse Immobilier ?“pr ?voit express ?ment que le mandataire a pouvoir de donner tous cong ?s” et que la lettre du 19 octobre 2012 ?“mandate sp ?cialement Parnasse immobilier pour d ?livrer cong ? par l’interm ?diaire d’un huissier”. Elle rel ?ve ?galement que la locataire ne d ?montre “aucun comportement dolosif” de son bailleur. Elle ordonne son expulsion.
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Tiers au contrat
Corinne X se pourvoit en cassation. Elle soutient notamment que la cour d’appel aurait d ? chercher ? savoir si la lettre de la SCI Lepante respectait les formalit ?s obligatoires du mandat pour vendre confi ? ? un agent immobilier ; elle aurait d ? v ?rifier qu’il mentionnait une dur ?e et un num ?ro d’inscription sur le registre des mandats, comme l’imposent la loi du 2 janvier 1970 (articles 1 et6) , dite loi Hoguet, ?et son d ?cret du 20 juillet 1972 .
La troisi ?me chambre civile, saisie de l’examen de ce pourvoi, d ?cide, le 6 octobre 2016, de le renvoyer en chambre mixte , compos ?e des premi ?re, troisi ?me chambres civiles et de la chambre commerciale, pour ?viter toute divergence de jurisprudence.
Le rapport du rapporteur etl’avis de l’avocat g ?n ?ral, exceptionnellement publi ?s sur le site de la Cour de cassation, constatent que les arguments invoqu ?s par Corinne X le sont, habituellement, par un propri ?taire contre son agent immobilier. Et, saisie de ces contentieux, la Cour de cassation a toujours jug ? que le mandat de l’agent immobilier qui ne respecte pas les exigences formelles impos ?es ?par la loi Hoguet est frapp ? d’une nullit ? « absolue ». La loi Hoguet, en effet, ?tait destin ?e ?« r ?glementer sur le plan technique et de la moralit ? la profession d’agent immobilier » et ? prot ?ger les clients de ?celle-ci. L’exigence d’un num ?ro d’inscription sur le registre vise par exemple ? permettre un inventaire fid ?le des affaires confi ?es au professionnel, et ? conf ?rer une date certaine aux mandats conclus avec ses clients.
Mais cette fois, c’est un tiers au contrat, la locataire, qui r ?clame la protection des dispositions de la loi Hoguet. Elle en a le droit, puisque le non-respect des dispositions de la loi Hoguet entra ?ne la nullit ? « absolue » du mandat. La nullit ? est « absolue » lorsque la r ?gle viol ?e a pour objet la sauvegarde de l’int ?r ?t g ?n ?ral ; elle est « relative », lorsque la r ?gle viol ?e a pour objet la sauvegarde d’un int ?r ?t priv ?.
Les magistrats constatent pourtant que les dispositions de la loi Hoguet visent « la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire ». ?Le locataire, lui, ?b ?n ?ficie d’autres r ?gles protectrices, depuis la loi du 6 juillet 1989 ?tendant ? am ?liorer les rapports locatifs (indication du motif du cong ?, droit de pr ?emption et pr ?avis). Sa protection a ?t ? renforc ?e par la loi du 24 mars 2014, pour l’acc ?s au logement et ? un urbanisme r ?nov ? (Alur) ?et par la loi du 6 ao ?t 2015 pour la croissance, l’activit ? et l’ ?galit ? des chances ?conomiques (loi « Macron »).
Compte tenu de cet ?quilibre, les magistrats d ?cident de modifier leur jurisprudence, en jugeant que la m ?connaissance des r ?gles de la loi Hoguet doit ?tre sanctionn ?e par une nullit ? « relative », et non plus « absolue ». Ils ?rejettent le pourvoi de Corinne X, en jugeant que le locataire n’a pas qualit ? pour se pr ?valoir des irr ?gularit ?s de forme affectant le mandat. Ils annoncent ce changement de jurisprudence ?dans une note explicative, le 24 f ?vrier.
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